Mysterieux Childeric (FR)

Chapitre 1 - Rester seule ?

Jeanne est installée confortablement sur son sofa avec un thé vert et son chat Tiger. Le roman qu’elle vient tout juste de terminer est posé à ses côtés. Le bruit de la pluie sur les vitres est amplifié par le silence qui règne dans l’appartement.

Ses enfants ne sont pas encore réveillés. Théo, devenu adolescent sans qu’elle s’en soit vraiment aperçue, s’est sûrement couché tard. Il a dû jouer sur son ordinateur en rentrant de sa soirée chez des amis. Lola, son petit bébé pour quelques années de plus, va dormir tard comme d’habitude et se faire réveiller avec un jus d’orange et un pain au chocolat.

Elle repense à son livre. Une rencontre plutôt improbable qui, au fil des chapitres, se transforme en une belle histoire d’amour. Même si elle a adoré plonger dans l’histoire de Brice et Chloé, elle se sent maintenant un peu triste, comme si les personnages l’avaient soudain abandonnée et laissée face à sa vie de femme seule. Elle refuse de se laisser aller à la mélancolie et comme à chaque fois que quelque chose ne lui convient pas, elle décide de réfléchir à ce qu’elle pourrait changer.

Jeanne s’est construite une vie paisible entre son job et ses enfants. Elle a conscience d’être privilégiée, car son gagne-pain consiste à faire ce qu’elle adore : lire et éditer des romans. Cela lui permet également de rencontrer des auteurs fascinants.

Certes, elle n’a plus vingt ans, mais elle porte plutôt bien ses cinquante ans grâce au sport qu’elle réussit à faire deux à trois fois par semaine et à une alimentation qu’elle surveille de près, tant pour elle que pour ses enfants. Et pour le moment, elle n’a aucune maladie dont elle devrait d’inquiéter.

Bien sûr, il y a eu ce divorce, qui a sans doute beaucoup contribué à son désir de se refermer sur sa petite cellule familiale, pour éviter un nouvel échec et de souffrir.

Pourtant, elle avait épousé un homme qui était un ami, un frère, un roc, qu’elle avait toujours beaucoup aimé et admiré, mais pas de cette passion qui peut faire souffrir. Ils s’étaient mariés et elle avait par-dessus tout apprécié ce nouveau statut, cette nouvelle façon qu’avaient les gens de la regarder. Elle n’était plus « mademoiselle » mais « madame » et il lui semblait que cela lui conférait une autorité naturelle. Par ailleurs, la position sociale élevée de son mari était aussi un facteur qui la propulsait : elle était « la femme de ».

Elle venait d’un milieu social modeste. Son travail d’éditrice présentait une certaine noblesse sur le plan intellectuel ; son mari lui avait apporté en plus une reconnaissance sur le plan financier.

Même au sein de cette relation pourtant paisible, il avait réussi à la décevoir plus que quiconque. Elle lui faisait une confiance aveugle, était sûre que malgré les difficultés et le manque d’intimité, ils vieilliraient ensemble. Elle se doutait qu’il avait des aventures, ce qui ne la dérangeait pas ; elle faisait d’ailleurs pareil de son côté, en veillant soigneusement à ne pas se laisser déborder, à garder en ligne de mire son objectif : vieillir avec cet homme qui la rassurait, avec lequel, lui semblait-il, rien de grave ne pourrait arriver. C’était en plus le père qu’elle avait rêvé d’avoir pour ses enfants. Certes, tout n’était pas parfait entre eux, mais elle se sentait en paix : il avait choisi de l’épouser et cela comptait plus que tout. Elle avait une place à part, puisqu’elle était sa femme, ce que rien ni personne ne pourrait jamais changer. Un jour, il lui avait avoué avoir une relation avec son assistante depuis plusieurs années. Il avait demandé le divorce car sa maitresse était enceinte. Elle était tombée de haut. Comment avait-il pu se satisfaire d’un tel cliché, lui qu’elle croyait bien au-dessus de ça ?

Comment avait-il pu s’engager dans une relation avec son assistante africaine de quinze ans plus jeune que lui ?

Les larmes coulent doucement sur les joues de Jeanne. Le temps a rendu cette blessure plus supportable, mais elle est toujours présente.

Rester seule : est-ce la meilleure solution ? Bien sûr, elle est proche de ses enfants. Sa fille est encore jeune, mais dans quelques années, elle partira, tout comme Théo, et elle se retrouvera seule avec son chat.

Elle doit bien s’avouer aussi que le simple fait d’être mariée lui manque. Elle ne mentionne d’ailleurs jamais son divorce. Elle porte encore son alliance de temps à autre. Elle avait aussi négocié avec son ex-mari la possibilité de continuer à porter son nom.

« Peut-être qu’essayer de trouver un nouveau mari a du sens, si cela contribue à me rendre plus heureuse ? »

Jeanne réfléchit à des critères de sélection :

Evidemment pas d’homme marié, puisqu’il doit avoir envie de l’épouser au plus vite.

Un homme au moins cinq ans plus âgé, pour minimiser le risque qu’il la quitte pour une femme plus jeune.

Une bonne situation financière, ou au moins un job qui lui assure, par dérogation, un certain statut.

Le physique n’a pas grande importance, mais il doit être plus grand qu’elle : comment pourrait-il être crédible dans son rôle de protecteur sinon ?

Des sujets en commun, comme la lecture ou la décoration seraient un plus.

Jeanne est plutôt satisfaite de sa liste. Il ne reste plus qu’à passer à l’action, pensée qui lui rend sa bonne humeur.

Elle a encore au moins une heure devant elle avant d’aller réveiller les enfants, ce qui lui laisse le temps de passer à la boulangerie et surtout de créer son profil sur un site de rencontre, voire sur Tinder, puisqu’il faut bien vivre avec son temps, même à mon âge.

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